Je suis seREINe parce j’ai pu partager ma santé.
J’ai 48 ans et l’an dernier, j’ai donné mon rein gauche à une personne que je ne connais pas. Mieux encore, en donnant via une chaîne de don croisé, j’ai aidé plusieurs personnes. Mon don s’inscrivait dans une grande chaîne de solidarité.
Pendant ma convalescence, je suis tombée sur cette citation d’un chirurgien, le Dr Joshua D. Mezrich. “Les malades souffrent seuls, ils subissent des procédures et des opérations chirurgicales seuls. À la fin, ils meurent seuls. La transplantation est différente. Avec la transplantation, quelqu’un d’autre vous accompagne dans votre maladie.” Cette phrase résume bien l’état d’esprit dans lequel j’étais dans tout le processus de don. Le don de mon rein me permettait de partager ce que j’ai de plus précieux, ma santé. Quelques semaines d’inconfort léger allaient redonner à quelqu’un une vie à peu près normale.
J’ai vécu une grande partie de ma vie sans trop me soucier des maladies chroniques et des personnes qui en souffrent. Elles ne font pas la une des journaux, leur détresse est le plus souvent invisible. C’est par hasard que je suis tombée sur le message d’un homme qui avait besoin d’une greffe de rein.
Le lien a été instantané. Mon corps de quadragénaire qui tente de garder la forme pouvait sauver une vie. Mais ma décision était prise dès le début : je ne voulais pas donner à une personne précise. Je voulais que mon rein soit donné à la personne qui en a le plus besoin. Je ne voulais pas non plus que cette personne sente redevable. Le don me paraitrait plus complet si je m’effaçais.
Assez tôt dans le processus, j’ai compris que mon rein gagnerait des superpouvoirs si je donnais à travers le Programme de don croisé de la Société canadienne du sang. Ce programme repose sur le fait que certaines personnes en attente d’une greffe sont biologiquement incompatibles avec la personne qui souhaite leur donner un rein.
Dans le schéma le plus simple, d’une paire incompatible offre son rein au receveur de la seconde paire et vice-versa.
Mais dans les deux tiers des cas, les chaines de dons sont en fait des chaines en domino où un donneur sans receveur désigné comme moi donne un organe à la personne de la première paire. Le donneur de cette paire donne au receveur d’une seconde et ainsi de suite. Le dernier rein à la fin de la chaine va à une personne sur la liste d’attente de la province d’origine de la donneuse qui l’a amorcée, dans mon cas sur la liste de Transplant Québec.
Je ne sais pas où est allé mon rein ni combien de personnes ont fait partie de ma chaine. Tout ça a bien peu d’importance. J’ai l’impression que le don vivant a donné un semblant de sens à ma vie. Mon quotidien est le même, mais j’ai l’impression d’avoir touché à quelque chose de plus grand que moi. J’ai pu enfin aider, pour vrai.
Élise Desaulniers